vendredi 3 mars 2017

François Pinon : un voyage de 1988 à 2015


Une dégustation des anciens millésimes de François Pinon était planifiée depuis deux mois avec notre groupe d'amateurs de Limoges. Quitte à ouvrir ces bouteilles, autant qu'elles soient partagées par un maximum de personnes. Ce que je n'avais pas prévu, c'est qu'on se ferait dévaliser le 1995 et le 1996 deux jours avant la dégustation. Cela faisait trop court pour se réapprovisionner (et il était trop tard pour reporter la séance). Mais bon, nous n'étions pas sans rien, et avons tout de même passé une très belle soirée. 

Sur des rillettes de volailles, nous avons démarré avec les millésimes 1988 (sec) et 2000 (demi-sec). Le premier, malgré un carafage de plusieurs heures, est resté très austère, au nez comme en bouche. L'aromatique est entre le champignon de couche et la coquille d'huître. La bouche est très vive, avec une acidité tranchante, une matière fluide, plutôt fluette, qui ne fait rien pour l'enrober. La finale est bien sèche, avec une mâche crayeuse/pierreuse. Un vin des plus jansénistes qui rappelle certains Savennières produits à la même époque. Intéressant comme témoignage. Après... Le 2000, par contre, montre qu'en douze ans, François Pinon a trouvé son style (il a démarré en 1987). S'il est chronologiquement à  mi-chemin entre 1988 et 2015, il est beaucoup plus proche des derniers millésimes que des premiers : ce demi-sec qui va bien à ce terroir frais de la vallée de Cousse. Le nez est sur les fruits blancs bien mûrs. La bouche est ample, finement grasse, étirée par une très fine acidité parfaitement intégrée. La finale, sur le coing et l'écorce d'orange, mêle amertume et astringence, avec juste une pointe de sucre. L'ensemble est classe, fin, équilibré. Pinon, quoi.


Nous avons poursuivi sur des vol-au-vent – parfaitement exécutés – avec deux millésimes de vins moelleux : 1989 et 1990. Sur le papier, 1990 est plus sucré que 1990 (60 vs 48 g/l). Si ce n'est que le pH de 1990 est plus bas (3.05 vs 3.28). Et cela se remarque de suite en bouche : le 1989 fait plus "pataud", avec un sucre plus perceptible. Il est néanmoins très bon, avec une aromatique miellée/confite/épicée, et une matière plus grasse que le 2000 précédemment évoqué. Le 1990 est plus ample, plus fin, plus racé, avec un équilibre plus frais et digeste. La finale sur le coing a une belle persistance.


Sur le porc confit, endive caramélisée et pomme rôtie, nous avons comparé deux autres moelleux : 2002 et 2015. En terme de dégustation pure, le 2002 est pour l'instant au-dessus du 2015 : plus profond, plus complexe, plus chavirant, avec une aromatique riche, touffu, une très belle texture. Tous les amateurs de Loire le savent et ce vin le prouve une fois de plus : 2002 est l'un des plus grands millésimes des 30 dernières années. Par contre, sur le plat, le 2015,  au pH record de 3.00, apporte une fraîcheur bienvenue. Mais aussi une grande énergie. On sent aussi un excellent potientiel : aucun doute que dans 10-15 ans, il sera au niveau du 2002, voire plus.


Avec du parmesan, du coing confit et de la pâte de coing, nous avons dégusté le moelleux 1993. Je ne peux que réécrire ce que j'ai écrit précédemment : "la robe fait très or liquide. Le nez est fin et intense, sur le coing confit, la truffe, le safran et le miel de châtaignier. La bouche est tendue, implacable, enrobée d'une matière dense, confite, très marquée par le coing ( et complétée par la truffe). L'équilibre sucre/acidité est très "mosellan". On n'est pas dans le voluptueux, mais plutôt dans l'austérité fascinante. La finale longue et puissante, limite diabolique, est une version concentrée du duo amertume / astringence, avec toujours le coing (en version bodybuildée), mais aussi l'écorce d'orange amère, avec une touche de quinquina" . Avec le parmesan et le coing, c'est encore plus beau. LE moment magique de la soirée ! 


Oui, donc, là, il y aurait dû y avoir les Botrytis 1995 et 1996. J'ai eu l'occasion de boire ce dernier le mois dernier, et il est superbe. Mais ce n'est que partie remise pour le groupe. À la place, je leur ai servi un Coteaux de l'Aubance Grains Nobles 1990 de Bablut.  Cela permet de faire oublier un peu les deux manquants. Ce vin est une quintessence du Chenin, pas très loin des Essencia hongroises. Une liqueur de coing avec une acidité superbe. Comme le crumble pomme/coing n'est pas trop sucré, le mariage fonctionne bien. Ceci dit, on est plus dans le vin de méditation. 

1 commentaire:

  1. Article très intéressant.
    J'ai moi même un blog dédié au vin mais je n'ai pas votre talent d'écriture.
    Vous avez le don de nous donner l'eau à la bouche avec toutes ces dégustations!

    Louise
    https://leblogdelouise16.blogspot.fr/

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