jeudi 20 septembre 2012

Bordeaux : et si le coup de foudre était encore possible ?



Il suffit de lire le forum LPV pour s'en rendre compte : beaucoup d'amateurs de vins ont débuté leur découverte du vin avec Bordeaux. Et puis, chemin faisant, ils s'en sont détournés pour diverses raisons :

- les prix des "stars" de la région sont devenus complètement surréalistes
- beaucoup de vins semblent être coulés dans le même moule.Il devient même difficile de différencier un Médoc d'un Saint-Emilion.
- on peut trouver plein de vins dans d'autres régions plus originaux, plus fins, plus complexes ... et souvent plus abordables

L'erreur serait de tirer un trait définitivement sur cette région, car bien travaillés à la vigne comme au chai, le Merlot et le(s) Cabernet(s) peuvent vraiment permettre de produire de très beaux vins, et pas forcément à des prix prohibitifs. Voilà pourquoi j'en viens à vous parler aujourd'hui de Gonzague Maurice


C'est donc l'histoire d'un gars...

... de la Seine-et-Marne qui a absolument envie de faire du vin. Avant de se mettre à son compte, Gonzague Maurice commence à travailler dans d'autres propriétés : deux ans à la Cave de Sancerre et quatre ans au Château Maucamps (Haut-Médoc). Puis il fait un apprentissage plus pointu au domaine de Chevalier (Pessac-Léognan), au Château Poupille (Côtes de Castillon) et au domaine de l'Île Margaux. Fin 2005, il se sent enfin prêt et s'installe comme jeune agriculteur à Montagne en rachetant 3,2 ha et de vignes et un chai. La mise en route demande un énorme travail. Les vignes sont en mauvais état : plus de 3000 pieds manquants à replanter. Quant aux cuves béton, leur parois sont recouvertes d'une belle couche de tartre qu'il faut éliminer. Je ne parle pas de la toiture du chai totalement délabrée... Une fois tout cela remis en état, notre vigneron se sent désœuvré : il double donc sa surface d'exploitation, ayant trouvé 3.3 hectares de vignes à Puisseguin, idéalement situées sur le plateau calcaire (2,5 en achat et 0,8 en location). Il a aussi l'occasion d'acheter une petite parcelle en appellation Saint-Émilion (à Saint-Sulpice Faleyrens) qu'il exploitera jusqu'en 2009. Malheureusement, il devra la revendre en 2010, histoire de sauvegarder sa petite entreprise... Enfin, pour compléter l'offre très "libournaise",  il exploite également trois hectares dans l'appellation Lalande de Pomerol (Secteur de Néac).

Ses expériences antérieures lui ont appris quels étaient les bons gestes pour avoir les meilleurs raisins possibles. Aussi passe-t-il beaucoup de temps à travailler le sol, et à dédoubler, épamprer, effeuiller... En 2010, il a officialisé une démarche bio pratiquée les années antérieures. 

Cette démarche qualitative n'aurait guère de sens si elle ne se poursuivait pas au chai. Toutes les vinifications se font en cuve béton (thermorégulées, même si elles ont naturellement une bonne inertie), comme une grande partie des élevages. Seul le Saint-Émilion passe intégralement en barriques (d'occasion pour ne pas marquer trop le vin). Les autres font un "mix" entre cuves et barriques, histoire de laisser s'exprimer le fruit et les différents terroirs. 

Et c'est bien cela qui est intéressant dans les vins de ce producteur : présent sur quatre terroirs très différents les uns des autres avec un encépagement proche (100 % Merlot ou Merlot majoritaire), il permet de mieux comprendre l'apport de l'argile, du calcaire, du sable, des graves... dans l'expression d'un vin. Autant dire qu'il peut être intéressant d'organiser une dégustation ou un repas autour des différents vins de Gonzague Maurice. Vous allez vraiment surprendre vos convives et les réconcilier avec la rive droite bordelaise. J'ajouterai que cela repose sur du vécu, puisque j'ai eu l'occasion de le faire l'hiver dernier lorsque je travaillais pour Ludivigne à Fécamp. J'ai fait déguster le château de Grandchamp 09 et le Clos du Pavillon 09  à environ 180 personnes (en dix soirées) majoritairement rétives aux vins de Bordeaux. Toutes ont adoré ces vins, particulièrement le Clos du Pavillon qui fut pour beaucoup le meilleur Bordeaux bu de leur existence. 

A quoi ressemblent-ils ?

Château de Grandchamp 2009,  Montagne Saint-Émilion (75 % Merlot, 20 % Cabernet Franc, 5 % Cabernet Sauvignon, terroir argilo-calcaire) : c'est le plus "rustique" de la bande. L'argile associée au calcaire apporte une structure, une puissance et une mâche assez impressionnantes. Mais aussi un fruit intense, le tout avec une grande fraîcheur. Il est bien sûr interdit de regarder l'étiquette, car le nombre de "chevaux fiscaux" risquent de vous faire peur (j'en ai déjà trop dit).

A consommer avec un confit de canard ou un enchaud de porc et des pommes de terres sarladaises.



Le Clos du Pavillon 2009, Puisseguin Saint-Émilion (100 % Merlot, plateau de calcaire à astéries) : lui, c'est l'aristo. Même si son appellation n'est pas la plus clinquante, il est clair que son terroir est le plus noble, offrant une expression incomparable. Dès le nez, offrant des notes de rose et de framboise dominant les fruits noirs, c'est déjà la grande classe. Mais c'est en bouche que le calcaire montre sa supériorité : il apporte une tension incroyable au vin de l'attaque en bouche jusqu'à la finale, donnant plus l'impression de boire un Cabernet Franc qu'un Merlot. La finale est à l'image du vin : longue, intense et pure.

A consommer avec une côte de bœuf, plat le plus apte à mettre en valeur le vin.


La Petite Folie 2009, Saint-Émilion (100 % Merlot, terroir sablo-graveleux) : elle, c'est la fille sensuelle. Celle pour qui on commettrait une petite grande folie. Pour le coup, il n'y a aucun doute sur le cépage. Au nez comme en bouche, on est plus sur la crème de fruits noirs,  les épices, avec ce qu'il faut de moelleux, de charnel. L'ensemble restant tout de même bien tendu, avec une bonne fraîcheur.

A consommer avec un pavé de biche, sauce cacao



Le Pavillon de Saint-Jacques 2010, Lalande de Pomerol (80 % Merlot, 20 % Cabernet Franc, terroir argilo-graveleux + sables) :  par son assemblage et son terroir plus varié, il est un peu la synthèse des trois premiers. La puissance du premier, la tension du second, la sensualité du troisième. Et un millésime 2010 qui apporte un surcroît de fraîcheur, même si les autres n'en manquaient pas. Un vin riche et complet qui pourrait faire de belles surprises à l'aveugle...

A consommer avec un Tournedos Rossini




Vous aurez remarqué que les différentes étiquettes ont toutes un point commun avec le bâtiment photographié ci-dessus, situé sur le domaine de Grandchamp. Destiné autrefois aux pélerins de Saint-Jacques, ce pavillon était considéré comme une Folie architecturale. Mais c'était apparemment surtout une garçonnière du seigneur local ;-)


Prix indicatif des vins : entre 9.80 € et 14 €



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