jeudi 30 novembre 2017

Chloé : bordelaise dans l'âme


J'entretiens des rapports un peu compliqués avec Chloé. Parfois, je l'adore. D'autres fois, j'ai bien du mal à la supporter. Je ne parle pas de ma girlfriend, mais de la cuvée 100 % Merlot de Jean-Louis Denois. Sur 2010 et 2013, je la trouve vraiment trop boisée – mais je connais nombre de clients qui aiment cela – alors que sur 2012 et 2014, je la trouve juste parfaite : elle pourrait faire la nique à de très belles cuvées de la Rive Droite bordelaise. Je ne pense pas que Jean-Louis Denois ait changé grand chose dans son process. Il doit seulement y avoir des années où le bois s'intègre mieux que d'autres. 

Comme pour la plupart de ses cuvées, il n'y a un ajout de sulfite qu'à la mise, histoire d'assurer au mieux la conservation. Mais sinon, tout le parcours se fait sans SO2, ce qui exige beaucoup de soins lorsque l'on veut obtenir un vin "propre". Ce qui est le cas de celui-ci : difficile d'imaginer que l'on est en train de boire un vin contenant moins de 30 mg/l de SO2 total. Si ce n'est peut-être par son accès déjà très facile et sa douceur tactile. 

La robe est pourpre sombre à peine translucide, avec un disque bien violacé. 

Le nez est fin, classieux, mêlant les fruits noirs bien mûrs aux notes d'élevage (cela  sent exactement l'odeur que l'on a dans un chai de 1ère année bordelais : il pourrait le vendre en parfum d'ambiance !). 

La bouche est sphérique, avec une matière douce, veloutée, faussement aérienne (car on sent qu'il y a monde derrière cette apparente légèreté) qui vous emplit le palais. Le tout est  est tendu par une acidité quasi-impalpable, mais qui ne vous lâche pas de l'attaque jusqu'à la finale. En parlant d'acicité, le pH est plutôt élevé – 3.65 – mais on ressent une bonne fraîcheur, probablement due à l'aromatique légèrement mentholée. On retrouve également cette sorte de zénitude que j'évoquais à propos du Graupert, même si les vins ne se ressemblent pas du tout.

La finale ne fait que prolonger toutes ces sensations sans le moindre à-coup. Les tannins montrent juste un peu plus leurs muscles, mais cela reste très élégant, feutré. On retrouve les fruits noirs, les (belles) notes d'élevage, et puis en ultime sensation, ce mélange de cassis, menthol (et cigare) qui donne un grand coup d'air rafraîchissant. 

Alors que parfois j'aimerais l'oublier – car ce n'est pas des plus tendance –  ce vin me rappelle joliment que les vins bordelais font partie de mon ADN. Il en est un superbe représentant ... même s'il vient de Limoux ! 




mercredi 29 novembre 2017

Le match des bulles géorgiennes


Nous venons de recevoir un nouvel approvisionnement de vins géorgiens avec quelques nouveautés supplémentaires. Entre autres, deux pétillants naturels différents à tous points de vue : producteur, cépage, millésime, couleur... Mais qui ont un point commun : la gourmandise, une qualité à souligner, car elle est loin d'être systématique dans les vins de ce pays. 

Dans les deux cas, nous sommes dans le "nature", autant à la vigne qu'au chai : pas de pesticides chimiques, pas d'intrant, pas de filtration.. . Du 100 % raisin sain !
Le premier est produit par Okro's wines, domaine que nous suivons depuis plusieurs années maintenant. Il est issu du cépage Mtsvane dont vous apprendrez plus ICI.

La robe est jaune pâle, trouble  et une mousse assez épaisse (on pourrait croire boire une bière blanche ).

Le nez est très floral sur la rose et la fleur d'oranger, rafraîchi par du pomelo. On retrouve aussi le froment, qui là encore fait penser à de la bière.

La bouche est ronde, fraîche, tonique, avec une matière étonnamment dense, charnue, légèrement astringente, et une pétillance vive qui souligne plus qu'elle n'écrase.

La finale est pêchue, mêlant l'astringence à l'amertume, avec l'impression de mordre dans l'écorce de pomelo jaune, avec toujours des notes florales, mais aussi fermentaires (bière blanche). Étonnant !

Je le verrais plutôt servi pour l'apéro avec des grignotteries, ou bu pour lui-même, au bord d'une piscine ou d'un feu de cheminée selon la saison (si vous n'avez ni l'un ni l'autre – ce qui est mon cas – faites au mieux... ).


Kidev Erti 2015 (29.50 €)

Cette cuvée est le premier essai d'une toute jeune winery créée par deux français, Vincent Jullien et Guillaume Gouerou. Le premier est œnologue et le second, artiste. Ils achètent des raisins chez des producteurs "bio" et vinifient en qvevris dans leur propre marani. Elle est issue du seul cépage Tavkveri (voir ICI). Elle ne fait que 10.5 % d'alcool. 

La robe est rose framboise claire, brillante. 

Le nez est sur les petits fruits rouges, avec une petite pointe citronnée  et une touche légèrement fermentaire (yaourt). La bouche est vive, élancée, avec une belle tension et une matière ronde, généreuse, au fruit croquant et digeste. Les bulles sont très fines et subtiles pour un Pet' Nat'. 

L'ensemble est harmonieux et n'a pas grand chose à envier à nombre de champ' rosés. La finale est nette, fraîche, finement amère, mêlant le citron à la framboise et se prolongeant sur de légères notes salines. 

Pour un coup d'essai, c'est  un coup de maître ! Ce "qui divertit"  devrait pouvoir remplacer le champagne rosé en gastronomie, que ce soit avec de la biche ou du pigeon, accompagner des fromages affinés ou des desserts aux fruits rouges. Mais tout seul, ce sera bon aussi !

lundi 27 novembre 2017

Votez Molland !


J'avoue : j'ai bu pour l'instant moins de vins du domaine Bonnardot que certains de nos clients. C'est Eric R. qui les a découverts en juin dernier à un salon "nature" pendant que je "tenais la maison" à Ambazac. Comme nous avons croulé sous les nouveautés depuis deux mois, je n'avais pas eu encore l'occasion d'en ouvrir. Je démarre donc avec Molland. Molland, c'est le nom de la parcelle d'où est issue cette cuvée. Elle est située sur un coteau de la vallée de la Saône, quasi à l'abandon depuis la crise phylloxérique. C'est un rarissime assemblage de Chardonnay et d'Aligoté (moitié/moitié). Après avoir dégusté ce vin, on se demande pourquoi il n'est pas plus souvent fait, car ça fonctionne du tonnerre de dieu ! [peut-être parce qu'il n'est reconnu par aucun cahier des charges et donc rétrogradé en vin de France... ]

La robe est d'un jaune paille intense, brillant.

Le nez est expressif, sur la pomme chaude, le beurre frais, le citron et la noisette, avec une point fumée.

La bouche est ronde, ample, avec une matière charnue, pulpeuse, gourmande, très Chardo, doublée d'une belle tension, une fine acidité traçante, très Aligoté. Les deux s'harmonisent avec bonheur. Cela se boit à grande lampée.

La finale est tonique, intense, finement crayeuse, très marquée par la pomme chaude beurrée, mais contrebalancée par une grande fraîcheur. Assez irrésistible...

Cette cuvée donne envie de découvrir le reste de la gamme...


vendredi 24 novembre 2017

Prendre son contre-pied !


Le contre-pied, ici, c'est d'avoir osé faire une macération carbonique avec le cépage Duras. Le deuxième contre-pied, c'est qu'il est signé par la famille Plageoles, pas vraiment connue pour ses vins en carbo. Le troisième contre-pied, c'est d'avoir tiré de la macération que le meilleur, à savoir une grande finesse des tannins. Dieu merci, on évite l'aromatique bonbon anglais/banane/lactique/vernis à ongle...  On obtient au final une superbe expression de ce cépage burgondo-jurassien* perdu dans le sud-ouest, qui devrait réconcilier amis et ennemis du vin nature !

La robe est grenat profond, translucide.

Le nez est fin, sur la mûre, la ronce et des notes sanguines et florales (pivoine). La bouche est ample, déployant avec élégance sa matière soyeuse et fraîche. L'ensemble affiche une belle tension, sans que la moindre acidité ne ressorte.

La finale est étonnamment fine pour un vin de cette région : juste une très légère mâche, avec toujours ces notes sanguines/ferreuses, des épices, de la fraise, un peu de fleur séchée, et puis du salin à profusion.

Bref, l'une des plus belles carbo qui nous ait été donné de boire :-)

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* le Duras est l'enfant du Savagnin (Jura) et du Tressot (Chablisien)


jeudi 23 novembre 2017

Verdesse 2015 : renaissance d'un cépage


La Verdesse est un très ancien cépage originaire de l'Isère, remontant à une période où la vigne était beaucoup plus présente dans le département (40.000 ha au milieu du XIXème siècle !). Si elle fait partie des cépages autorisés, elle a pourtant quasiment disparu au profit des cépages "améliorateurs" (Chardonnay, Gamay). Il n'en restait que trois hectares en France en 2011.

Grâce au Centre d'Ampélographie Alpine Pierre Galet situé à Montmélian – dont Nicolas Gonin est vice-président – elle commence à repointer timidement son nez ici ou là. D'autres devraient suivre dans les années qui viennent, comme le Mècle ou le Bia (bon, pas sûr que leurs noms soient très porteurs...)

Issu d'une parcelle surgreffée en 2012, cette Verdesse 2015 est le deuxième millésime récolté. Le premier millésime avait un profil pour le moins tendu, très Riesling/Chenin, avec une verdeur (ou une verdesse ?) assez marquée en finale qui pouvait déstabiliser. Était-ce dû au millésime ou au cépage ? Difficile de dire... Ce second millésime donne un début de réponse... 

La robe est d'un or lumineux.

Le nez est mûr et frais, mêlant les notes de mirabelles et de miel à des senteurs de coing et de rhubarbe. 

La bouche est sur la même dualité : d'un côté, une tension et une fraîcheur rappelant les rieslings alsaciens. De l'autre une matière ronde, mûre, moelleuse, limite grasse. Les deux font très bon ménage. L'aromatique fait très "tarte à la mirabelle", le sucre en moins ;-)

L'acidité, qui était jusque là bien planquée dans la matière confortable, ressort avec tonicité et vigueur en finale et allonge le vin sur plus de 20 secondes, soulignée par de nobles amers. Les fruits mûrs cèdent la place au citron vert et aux notes salines. C'est la fête au palais !

Ce qui génial dans ce cépage, c'est qu'il peut exprimer une maturité poussée, tout en gardant une belle acidité ET en ayant un faible taux d'alcool (12.5 % vol). Il me paraît une bonne piste pour l'adaptation des vignes au réchauffement climatique. Par ailleurs, la comparaison 2014/2015 montre que le cépage se montre plus aimable sur un millésime solaire. On peut supposer qu'il y a quelques décennies, ça ne devait pas être souvent le cas. Cela peut peut-être expliquer pourquoi il avait été abandonné (c'était un peu pareil avec le Petit Verdot qui était bon dans les années 50 une fois tous les 10 ans, et qui donne aujourd'hui chaque année d'excellents vins.



mercredi 22 novembre 2017

Quand Napoléon flirte avec l'ennemi...


Je vous ai parlé déjà il y a deux jours d'un vin de Benjamin Darnault (la Repasse). En voici deux de plus, produits en collaboration avec Trevor Gulliver, propriétaire du restaurant Saint-John à Londres. Il se trouve qu'il a une résidence secondaire dans le Minervois. Il a pu découvrir le potentiel des vieilles vignes du secteur, souvent peu mises en valeur. Leur chai commun se situe au 2 bis d'une rue anciennement baptisée Boulevard Napoléon. D'où le malicieux nom de cette alliance anglo-française pour la bonne cause. 



Les deux cuvées proviennent de vignes âgées de 70 ans cultivées sur des sols très calcaires. Elle  ne risquent pas l'embonpoint, mais le calcaire leur permet tout de même d'avoir toujours un minimum d'eau (contrairement au sable qui ne stocke rien). On peut obtenir ainsi la quintessence d'un terroir sans trop forcer dans les vinifications. Il vient ce que le raisin veut bien donner... 



(100 % Grenache gris)

La robe est or pâle, brillante. Le nez est superbe, assez "Cochien" (beurre noisette, sésame, lemon curd) avec peut-être plus d'expansivité  - mais pas lourd toutefois. 

La bouche est ample, sphérique, avec une matière opulente, généreuse, tout en gardant de la rectitude et de la fraîcheur. L'équilibre est juste parfait ! 

La finale dévoile une belle mâche crayeuse, où se mêlent agrumes, notes beurrées et grillées. Elle se prolonge avec subtilité sur le trio 3 A (Amertume, Astringence, Acidité) avec du grillé et du salin en arrière-plan. Très (très) beau vin !



Boulevard Napoléon "le Pujol" 2012 (16.00 €)

(100 % Grenache noir)

La robe est rubis sombre bien translucide, avec des reflets d'évolution. 

Le nez, après une bonne aération, exprime avec finesse des notes de fruits rouges confits, d'épices et de pain grillé. 

La bouche est ronde, ample, avec une matière aérienne d'une grande finesse qui vous caresse le palais. Il se dégage une profondeur et une fraîcheur certainement redevables aux vieilles vignes. 

La finale est intense tout en restant subtile, avec une fine mâche épicée, une touche de moka et des saveur plus minérales (craie humide, sel). Un grenache sobre, mais classe. 




mardi 21 novembre 2017

Stierkopf : tranchant !


Il y a Auxerrois et Auxerrois. Il y a le rouge que l'on trouve à Cahors, et qui s'appelle aussi Côt en Loire et Malbec à Bordeaux. Et puis il y a le blanc , originaire de Lorraine et qui est, à l'instar du Chardonnay ou du Gamay, un enfant du Pinot noir et du Gouais blanc [vous aurez noté qu'aucun ne vient d'Auxerre... ]. On trouve le blanc en Lorraine, évidemment, mais aussi en Alsace. Il y est rarement commercialisé sous ce nom-là : soit il entre dans l'assemblage du Crémant ou de l'Edelzwicker, soit il cohabite avec le Pinot blanc dans le Klevner (qui n'a rien à voir avec le Klevener, issu du Savagnin rose). 

Alors que l'Auxerrois du domaine Rietsch était assemblé jusqu'en 2015 dans Entre chien et loup (avec du Pinot blanc : c'était donc un Klevner), il fait cavalier seul en 2016 dans cette cuvée Stierkopf. L'Auxerrois a la réputation d'être un cépage un peu mou, manquant de caractère. Ce n'est vraiment pas le cas de celui-là qui est vif et tonique. Vaut mieux le boire le midi. Si vous le buvez le soir, vous risquez de ne pas dormir de la nuit... 

La robe est jaune paille claire, brillante.

Le nez est super gourmand, sur la "tarte au citron meringuée" dixit Lechef. L'a pas tort. On a bien l'odeur de la pâte à tarte (pur beurre) toute chaude, un peu de citron confit, et des notes caramélisées/épicées. Si on veut faire pâtisserie plus alsacienne, on pourrait parler du Berawecka, ce petit pain à base de fruits confits, dont la poire séchée, que l'on perçoit bien ici. Bref, on s'attendrait à un vin riche, moelleux. Grosse erreur [bon, perso, je me doutais que ce ne serait pas le cas en lisant ces résultats d'analyse :  Alcool  12.7° / Sucre résiduel  0.2 g/l  / Acidité totale  6.6.5 g/l   /  pH : 3.1  /  S02 total :  12 mg/l . Ça promettait un vin bien vif... ]

La bouche est vive, tendue à donf, avec une acidité mosellane (ou Pinonienne, c'est pareil) tranchante comme un rasoir qui vient d'être affuté. Elle est heureusement enrobée par une matière ronde, confortable, limite joufflue, qui amène un peu de bonhommie. Et puis il y a toujours cette aromatique de pâte beurrée dorée à point et d'agrume confit. L'ensemble est fluide, digeste, d'une grande buvabilité, pour peu que l'on apprécie cette vivacité germanique (moi, j'suis fan, mais je sais que d'autres auront du mal...).  

La finale est nette, intense, très marquée par le citron (jus). Ça vous recale les papilles direct et vous prépare à la gorgée suivante.

PS : 24 h plus tard, le vin fait un peu plus "nature" dans l'aromatique. À vous donc de voir selon vos goûts si vous l'aérez, ou si vous le buvez dès l'ouverture (moi, je préfère le premier jour). 

lundi 20 novembre 2017

L'effet Repasse...


La Ripassa est de retour : après un examen attentif, elle a eu droit à la nationalité française. Elle s'appelle désormais La Repasse de Montagne. Le principe reste le même : du vin de 2015 a été repassé sur du marc encore fumant de 2016. Je ne sais pas si cela vient de la combinaison différente des millésimes (2015/2016 vs 2014/2015), mais cette nouvelle version est plus immédiatement charmeuse. Le premier demandait une bonne aération pour s'exprimer. Là, tu ouvres, tu bois (mais il était encore très bon le lendemain, ceci dit). 

La robe est pourpre sombre translucide.

Le nez est épanoui, sur la crème de fruits noirs, le benjoin, et les épices. Une petite pointe de laurier, aussi.

La bouche est de grande ampleur, envahissant tout le palais d'une matière douce, soyeuse, plus dense qu'elle n'apparaît en premier lieu. Il y a aussi tout ce qu'il faut de tension et de fraîcheur, sans que rien ne dépasse. C'est tellement harmonieux et bien foutu qu'on pourrait presque trouver ça ch...t. Mais en fait, non.

La niaque de la finale arrive à la rescousse : une sorte de "trait vert" énergique, subtilement amer qui se déploie de plus en plus, avec l'impression de boire un second vin, plus puissant, plus tannique. C'est ça, l'effet Repasse ;-)


vendredi 17 novembre 2017

C'est l'heure de la Cantina !


Non, vous n'allez pas manger du poisson pané et des épinards. Mais boire un vin blanc corse. C'est mieux, non ? La Cantina di Torra, c'est le nom définitif du domaine de Nicolas Mariotti-Bindi. Après avoir "squatté" au domaine Leccia où il était chef de culture, il a maintenant son propre chai ... et le nom qui va avec. 

Les anciennes cuvées (Porcellese, Mursaglia) sont toujours d'actualité. La Cantina di Torra blanc 2016 est la nouvelle entrée de gamme du domaine (existe aussi en rouge). Elle provient de coteaux argilo-calcaires de Patrimonio. L'année prochaine, devrait apparaître une cuvée Carco (si, si). 

La robe est jaune très pâle, aux reflets argentés.

Le nez est fin et profond, sur le fenouil confit et la pâte d'amande, rafraîchis par une pointe de citron et des notes de pierre humide.

La bouche est sphérique, aérienne, d'une fraîche délicatesse, avec une matière limpide, subtile, et une aromatique faisant songer à une version allégée du lemon curd mêlée à une infusion de cailloux.

La finale dévoile une fine mâche où l'on retrouve le fenouil, l'amande, la (toute) petite pointe citronnée. C'est finalement le fenouil qui l'emporte, souligné par de légères notes salines.

Il faut trouver la bonne température de service, car le bébé pèse tout de même 14.6 % vol. (sans être déséquilibré). Trop froid, l'alcool ressort. Trop chaud, aussi... 12-13°, ça me paraît bien. 



jeudi 16 novembre 2017

Pu(e)reté absolue !

Torcuato Huertas a travaillé toute sa vie à la campagne principalement dans la culture des olives et des arbres fruitiers. Il s'est intéressé au vin début des années 80 lorsqu'il est venu aider à tailler chez Manuel Valenzuela de Baranco oscurro, devenu un peu son mentor. Torcuato voulait suivre la tradition de son grand-père et l'améliorer. L'influence de Manuel a été énorme et se retrouve dans le respect de la nature, et la curiosté pour de nouveaux cépages et des vinifications innovantes, avec la recherche de l'authenticité dans chaque bouteille.

A l'instar de son mentor, les vignes sont haut perchées : entre 900 et 1200 m d'altitude. Puer est un assemblage de 22% Merlot, 22% Cabernet Sauvignon, 22% Syrah, 22% Cabernet Franc, 12% Tempranillo (oui, ça fait bien 100 au total). Il n'en existe pas de tel en France, même hors appellation. 

La robe est pourpre sombre, à la limite de l'opaque ...  mais pas totalement. 

Le nez est très expressif, sur la cerise noire, la myrtille, avec une pincée de cacao et un soupçon de ciste et d'eucalyptus, juste pour apporter une grande fraîcheur aromatique (qui ne vous quitte pas du début à la fin). 

La bouche est ronde, ample, invasive même, avec une matière veloutée à la densité impressionnante. Mais c'est la pureté et l'expressivité du fruit qui épatent le plus. Il y a ce côté franc, "brut de cuve". Brut tout court d'ailleurs. Car on est loin du vin de fillette : y a des tannins, et pas qu'un peu. Mais d'une part, ils sont mûrs et bien intégrés. Et d'autre part, le reste est tellement réjouissant qu'on passe outre. 

La finale a une mâche puissante qui est dans le prolongement du reste, avec un fruit d'une rare gourmandise, et une fraîcheur aromatique qui mériterait de faire école. À signaler qu'à aucun moment n'apparaît la moindre déviance aromatique. C'est d'une pureté TOTALE. Ce qui n'exclue absolument pas d'y prendre beaucoup de plaisir (sauf les poneyphiles exclusifs). 

La puissance de ce Puer exclut de le boire pour l'apéro. Par contre, avec une daube, de l'agneau de 7 heures ou un enchaud de porc, on devrait être pas loin du pied intégral... 



mercredi 15 novembre 2017

Sancerre 2016 : un très bel équilibre


Il est probablement un peu prématuré pour ouvrir cette bouteille de Sancerre 2016 de Gérard Boulay. Mais j'avais lu ici et là que ce millésime était très agréable à boire. C'était surtout l'occasion de vous rappeler que nous avons reçu il y a quelques semaines les cuvées parcellaires du domaine : Clos de Beaujeu, Monts Damnés, Comtesse et la Côte. Pour l'instant, il reste un peut de tout, mais, les fêtes arrivant, ça ne va pas durer... 

La robe est or pâle, brillante.

Le nez est fin, aérien, sur le zeste frais de citron, le pomelo, la craie humide et (juste) une petite touche de bourgeon de cassis. Un peu de menthe, aussi. 

La bouche est ronde, fraîche, d'une pureté évidente, avec une très fine acidité qui apporte juste ce qu'il faut de tension et une aromatique naviguant entre l'agrume, la sauge et la menthe poivrée.  Un très léger perlant souligne le tout, donnant encore un peu plus de peps. 

La finale dévoile une fine mâche crayeuse, mêlant l'écorce de pomelo et la menthe, la noble amertume à une dessoiffante astringence, avec une persistance sur des notes citronnées. 


mardi 14 novembre 2017

Beaujolais 2017 : lequel choisir ?


Les amateurs de vins ont tendance à mépriser l'arrivée du Beaujolais nouveau chaque troisième jeudi de novembre. Il faut dire que ce n'est pas vraiment le fleuron de la production viticole nationale qui est mis en avant (c'est pourtant hélas le seul moment où l'on parle un peu de vin dans les médias). Cet évènement peut être néanmoins l'occasion de re-découvrir à quoi ressemblait le vin avant l'usage du soufre au XVIIème siècle. C'est en effet ce dernier qui a permis de prolonger l'élevage des vins et de s'aventurer à produire des vins de garde Avant, c'était la norme de commercialiser le vin de l'année au moment de la Saint-Martin (début novembre).  À cette époque, c'était certainement la période où il se goûtait le mieux, car il devait ensuite partir assez rapidement en vrille...

Les 4 vins que nous vous proposons sont "faits à  l'ancienne", sans le moindre intrant. Vous pouvez ainsi remonter le temps tout en restant tranquillement chez vous. C'est l'occasion  de constater ce qu'a pu apporter aux vins l'œnologie depuis quelques siècles. Peut-être a-t-on un peu perdu  en "naturel", mais nous avons beaucoup gagné en complexité et expression du terroir. C'est pour cela que j'ai parfois un peu de mal avec certains ayatollahs du vin naturel qui vous expliquent que c'était mieux avant. Franchement, si tous les vins ressemblaient à du Beaujolais nouveau, je crois que je changerais de métier, car je n'aurais pas matière à m'enthousiasmer au quotidien....



La robe est rubis translucide tirant vers le violacé. 

Le nez est plutôt discret sur des notes de petits fruits rouges et de rafle, avec une pincée d'épices. 

La bouche est élancée, avec une matière fine, souple, fraîche où l'on retrouve le fruit et les épices, avec une touche lactée. 

La finale a une mâche gourmande, avec juste ce qu'il faut de poivre et de floral, se terminant sur des notes minérales/salines. 

Pour l'instant, c'est bon. Dans six mois, ça devrait être très bon. 



La robe est pourpre bien sombre, à peine translucide.

Le nez est dominé par la violette et la terre fraîchement retournée. Un peu de poivre et de rafle, aussi.

La bouche est toute aussi élancée, mais avec une matière plus dense, plus séveuse, avec un fruit un peu moins présent au profit de la "minéralité".

La finale a une mâche plus puissante, plus épicée, aussi. C'est encore un peu serré, mais très prometteur. Là aussi, aucun doute que ce sera meilleur au printemps prochain.



La robe est grenat sombre translucide.

Le nez est plus expressif, avec les notes lactées qui dominent, soulignées par le poivre. 

La bouche est plus ronde qu'élancée, avec une matière veloutée enveloppante, entre notes lactées, poivrées et minérales.

La finale gagne en intensité et en tonicité  : c'est pêchu, ça trace, avec un côté juteux des plus sympas. On monte sérieusement d'un cran (et là aussi, ça devrait être nettement meilleur dans quelques mois). 



La robe est rubis sombre translucide.

Le nez est fin, frais, épicé, entre fruits rouges bien mûrs et notes sanguines/ferreuses. 

La bouche est la plus élancée de la bande, avec une matière ample, élégante, aérienne, pleine d'énergie. Et c'est en place, prêt à être bu. 

La finale combine malicieusement amertume et astringence : il y a de la niaque, des épices, du sanguin/ferreux. C'est déjà p... bon. Il faut en profiter, car on ne sait pas de quoi sera fait demain... 

lundi 13 novembre 2017

Les herbes hautes : classe et canaille !


L'année dernière, Herbes hautes avait un profil "barralien": son acidité volatile haut perchée pouvait enthousiasmer ou déplaire. Sur le millésime 2015, cette cuvée est moins clivante, même si elle joue des  registres antagonistes. Sa bipolarité gustavive devrait lui assurer une belle popularité. D'autant que le prix (8.50 € *) est des plus raisonnables au vu de ses arandes qualités. Goûtez. Vous comprendrez...

La robe est grenat sombre translucide, avec des reflets violacés.

Le nez allie richesse et fraîcheur, mêlant les fruits noirs confits aux notes résineuses de garrigue, avec une pincée d'épices. Le tout est des plus harmonieux et limite envoûtant (je vais aller chez le marabout...).

La bouche est longiligne, avec une tension qui apparaît dès l'attaque et ne vous lâche plus. La matière est toutefois ample, enveloppante, d'abord soyeuse puis rapidement veloutée, et même un peu plus tannique ensuite. Le vin réussit l'exploit d'être à la fois canaille et classe (alors que normalement, c'est l'un OU l'autre).

La finale confirme cette dualité : d'un côté imposante/sérieuse, de l'autre fruitée, extravertie, séveuse, avec de la confiture de cerise, des herbes, des épices, de la réglisse... Le tout avec une fraîcheur assez incroyable, très Italian style. Et ça se prolonge longuement sur le ciste et l'eucalyptus.  Tout pour me plaire. 

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* avec un tarif dégressif : 7.95 par 6, 7.50 € par 12, 7 €par 24




vendredi 10 novembre 2017

Pépettes la paradoxale


Cette cuvée Les Pépettes est paradoxale à triple titre : son nom laisserait penser qu'il faut plein de pépettes (de sous !) pour se l'offrir. Alors que pas du tout : elle ne coûte que 6 €, ce qui en fait l'un des blancs les moins chers de notre site. L'autre paradoxe, c'est que lorsqu'on a le nez dessus, on a l'impression d'avoir un Muscat de Rivesaltes, tellement c'est mûr et éclatant. Alors que pas du tout : c'est sec de chez sec (sans être trop sec, hein). Le troisième paradoxe, vous le découvrirez un peu plus bas. Il faut ménager ses effets, non ? 

La robe est or pâle, brillante. 

Le nez est une explosion d'arômes, sur des notes muscatées, de fleur d'oranger et de pamplemousse rose (le fruit plus que l'écorce). 

La bouche est ronde, croquante, pleine de fraîcheur et de peps (léger gaz carbonique). Un véritable feu d'artifice gustatif, pour tout dire : ça pétarade dans tous les sens, tout en gardant une belle  harmonie globale : non seulement le fan de vins sobres que je suis n'est pas déstabilisé, mais ne peut s'empêcher d'adorer ça – même si j'ai un peu honte, j'avoue...  (c'était le troisième paradoxe).

En finale, on gagne encore en intensité (si, si) avec le Muscat qui vous (pé)pète en bouche , renforcé par des notes florales (rose, fleur d'oranger) et l'amertume de l'écorce d'agrume. C'est d'une jouissive violence. Mais quand on aime ça, on en redemande... Et on est généreusement servi !

Ce vin peut être bu juste pour lui même à l'apéro (avec du jambon cru), mais il devrait aussi accompagner avec bonheur des plats exotiques contenant du lait de coco, de la coriandre et du gingembre. 



jeudi 9 novembre 2017

Et si l'on revenait aux anciens francs ?


En dehors de la Loire, il n'y a pas beaucoup de cuvées 100 % Cabernet Franc, surtout issues de très vieilles vignes. Beaucoup ont disparu avec le gel de 1956, et ont été remplacées par des sélections clonales de moindre intérêt. La parcelle n°A 252 est une rescapée. Elle est située sur des sols argilo-calcaires (plus calcaire qu'argileux) qui apportent du fond et de la fraîcheur, d'autant que les vignes  ont eu des décennies pour y plonger leurs racines.

Perso, vous commencez à me connaître, j'aurais rêvé d'une matière un peu moins concentrée et élevée en jarre (ou autre matériau neutre). Ceci dit, je ne peux qu'être admiratif du travail réalisé : c'est vraiment du bel ouvrage !

La robe est pourpre sombre translucide.

Le nez est classieux, sur la crème de cassis, le tabac hollandais, avec une pointe de menthol et une lichette de pain grillé.

La bouche est élancée, avec une matière veloutée d'une impressionnante densité qui vous envahit le palais, délivrant un fruit frais et intense. Ce n'est clairement pas un vin de fillette, mais il n'évoque non plus le déménageur tatoué. Plutôt Schwarzenegger en smoking (quand il était jeune et vaillant).

La finale est puissante, avec des tannins musclés – mais charmeurs –  et toujours cette crème de cassis, mentholée  à souhait, qui dure. Et dure encore.  Le Cab' dans toute sa splendeur !


mercredi 8 novembre 2017

Pierre Ménard, le retour...


Certains d'entre vous attendaient certainement le retour des vins de Pierre Ménard. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il y a toujours aussi peu de bouteilles disponibles de Quart des Noëls. La bonne, c'est qu'il y a deux nouvelles cuvées issues du Clos des Mailles, une parcelle que Pierre a repris en 2016. 

Vous le lirez ci-dessous : le profil des vins est un peu différent des années précédentes. On est sur une aromatique bien mûre, évoquant plus les demi-secs de Touraine (style Huet) que les vins d'Anjou. Il y a heureusement de très belles acidités qui apportent l'équilibre et la tension nécessaires. Ceci ci-dit, il n'y a pas tant que ça de sucres résiduels (entre 4 et 7 g/). On est loin de vins de desserts. Mais leur profil aromatique orientera vers des accords gastronomiques un peu différents : cuisine thaïe, ris de veau aux agrumes confits, tajines... 



Laïka 2016 (17.50 €)

100 % Sauvignon sur schistes

La robe est jaune pâle, brillante.

Le nez est plus typé Chenin que Sauvignon, sur les fruits blancs bien mûrs (poire au sirop, pomme chaude), le miel et les épices grillés.

La bouche est pure et élancée, alliant la tension du schiste et une matière dense et mûre, profonde. Avec l'aération, il gagne en minéralité, tournant au "jus de caillou".

La finale dévoile une fine mâche tonique, relevée par une légère amertume et des notes d'agrumes confits (pomelo) et de poire.



100 % Chenin sur schistes

La robe est jaune paille, brillante.

Le nez est bien mûr, sur la pomme tapée, le coing, le miel de châtaignier et des notes finement grillées/toastées.

La bouche trace sévère, très mosellane dans l'esprit,  avec une acidité tranchante comme un sabre laser et une matière concentrée, limite confite, plus proche d'un liquoreux que d'un sec (il y a 4 g/l de sucres résiduels.).

La finale est franche, nette, avec toujours cette aromatique de fruits blancs mûrs/confits et une noble amertume qui apporte la niaque nécessaire pour aboutir à un bel équilibre. Belle persistance sur le coing confit.




100 % Chenin sur schistes


La robe est proche du précédent. 

Le nez fait encore plus liquoreux, sur le coing et l'agrume confits, des notes de botrytis, et une touche de fumée.

La bouche est encore plus tendue tout en étant plus élégante, avec une matière très concentrée... sans en avoir l'air. Classe, quoi. Le registre aromatique reste dans l'ultra-mûr/confit ... tout en restant (quasi) sec, là aussi. 

La finale est riche, généreuse, mais en même temps fraîche, délicieusement amère, avec toujours ce mix agrume/coing confits qui persiste agréablement (6 g/l de sucres résiduels).



Pluton 2016 (39.50 €)

100 % Chenin sur schistes riches en phtalites

La robe est proche, peut-être un chouïa plus intense.

Le nez est plus aérien, tout en restant sur un registre confit, avec en bonus des notes grillées/beurrées très séduisantes.

La bouche gagne encore en tension, ampleur et élégance, avec un surcroît de rondeur  et de maturité. On a vraiment l'impression de boire un liquoreux... tout en n'ayant que 7 g/l de sucres résiduels. 

La finale est très intense, d'une impressionnante richesse, mais en même temps élégante, aérienne, avec des amers jouissifs (y peuvent, à 39.50 € la quille...) qui perdurent longuement. Grand vin. 


Cosmos 2016 (23.50 €)

La robe évoque l'or en fusion. 

Le nez est magnifique, sur l'orange confite, la mangue, l'ananas, le fruit de la passion, avec une grande sensation de fraîcheur.

La bouche est tendue sans être raide, avec une matière riche, intense, voluptueuse, équilibrée par une acidité qui vous vrille l'âme. 

La finale est splendide, totalement baroque/décadente, et en même temps cristalline, d'une inouïe fraîcheur. Les sucres sont déjà parfaitement intégrés grâce au duo acidité/amertume (écorce d'orange amère). À mourir... 

lundi 6 novembre 2017

Toujours aussi folle...


Cela faisait un petit bout de temps que je me demandais quand arriverait le 2016 de la Folle noire d'Ambat. Eh bien, ça y est  : il est  parmi nous ! On poursuit sur la lancée des millésimes précédents avec plus de finesse et de fraîcheur qu'auparavant. Après, ça reste de la Négrette, avec toute la folie qui va avec. Si vous cherchez un vin moins exubérant et fumé, on peut vous trouver autre chose en boutique. 

La robe est pourpre sombre translucide. 

Le nez est puissant, tout en restant aérien, sur des notes de fumée, de poivre, puis avec l'aération, de fruits noirs (myrtille, sureau), de violette et même un peu de rose. 

La bouche est élancée, avec une matière soyeuse gagnant progressivement en densité et une fraîcheur tonique contrebalancée par une palanquée d'épices (poivre, girofle, cubèbe...). L'ensemble est harmonieux et digeste.

La finale a une légère mâche marquée par les épices et les notes ferreuses/sanguines, se prolongeant sur le lard fumé et le poivre

PS : pour certains amateurs avec qui j'ai achevé cette bouteille, le fumé/poivré est un peu trop insistant en bouche comme en finale,  et leur gâche le plaisir. Perso, il ne me dérange pas.