jeudi 30 juin 2016

Mon p'tit Pithon se boa avec plaisir !


Oui, je sais, c'est un peu la honte :  il a fallu qu'un ami belge me fasse remarquer le jeu de mot avec Monty Python pour que je percute (et là, je me suis auto-baffé mentalement). Pour moi, c'était juste le p'tit vin  d'Olivier Pithon, le p'tit frère du grand Jo Pithon

Quitte à être honnête jusqu'au bout, c'est une cuvée produite par Olivier Pithon, mais issus de raisins achetés à des collègues locaux (certifiés BIO, tout de même). Ben oui, comme pas mal d'autres producteurs, ce vigneron a besoin d'augmenter son volume commercial pour trouver l'équilibre financier. Ceci dit, tout le monde y gagne : ceux qui ont écoulé leurs raisins, Olivier Pithon qui peut proposer un bon vin à prix abordable (9 €), et les consommateurs qui en profitent.  

La robe est d'un or lumineux.

Le nez est mûr et fin, sur des notes de pomme tapée, de miel et d'amande.

La bouche est ronde, ample, enveloppante, avec une matière pulpeuse et fraîche, friande, et un goût de raisin bien mûr.

La finale savoureuse a une mâche crayeuse bien marquée, sans qu'elle soit agressive, sur des notes mellifères et fruitées. Cette malicieuse astringence qui vous pompe votre salive, vous incite à boire une autre gorgée pour vous lubrifier les papilles. Ça marche quelques secondes ... et elles sont de nouveau à sec... Tel Sisyphe, vous êtes condamnés à recommencer pour l'éternité ;-)

Bon, je vous rassure, vos papilles s'en remettent assez vite, surtout si vous accompagnez ce vin avec quelques tapas, du poisson grillé ou des fromages (chèvre, par exemple).


mercredi 29 juin 2016

La suite dans les idées : l'émotion inattendue


La plus belle émotion n'est celle que l'on n'attend pas. Et là, je me suis fait sacrément avoir. J'avais goûté cette Suite dans les idées en février dernier en compagnie de Michel Guiraud, son géniteur. Et le vin ne ressemblait pas à celui-ci. Il est probable que ce n'était pas du 2011 : il devait faire déguster un millésime plus récent à Vinisud. Il était donc encore un peu engoncé dans son élevage, même si l'on sentait un grand potentiel. Car il faut le dire : cette cuvée majoritairement Mourvèdre sur schistes est la plus belle du domaine.

Oui, donc, je me suis bien fait avoir. Je m'attendais à un vin plutôt vigoureux, dans la force de l'âge, et je suis tombé sur Audrey Hepburn délicatement parfumé au Jicky de Guerlain. Une beauté troublante, évanescente, en train de basculer de la maturité la plus aboutie ... vers la vieillesse inéluctable. Exactement ce que François Mitjavile appelle la décadence. Comme il aime le dire, la décadence, c'est la splendeur ultime de Rome avant sa dégringolade. 

Cette Suite dans les idées est totalement décadente. Et donc attachante, émouvante, car on sent que sa beauté est en train de se faner. Et ça la rend plus belle encore. Il faut par contre en  profiter dès aujourd'hui, car il est probable que dans un an, la vieillesse aura pris le dessus. On passera alors à Katharine, à l'époque de La maison du lac. Audrey, elle, est restée éternellement jeune.

La robe est grenat translucide avec des reflets d'évolution.

Le nez est très fin, aérien, quasi-envoûtant, sur le bonbon au cassis (pas Kréma, hein), la violette et le cuir de Russie.

La bouche est ample, douce, soyeuse, d'une grande légèreté, mais néanmoins tendue par un fil invisible (ou la main délicate d'un ange ?). On pourrait plus parler d'ambiance que de matière : on a l'impression de voir resurgir un monde de raffinement un peu désuet, genre Orient-Express dans sa période fastueuse. La nostalgie pointe son nez. Mais rien de triste là-dedans. Au contraire, c'est plutôt des larmes de bonheur qui tentent une percée (victorieuse ?).

La finale plus terrienne vous ramène à la réalité sans trop vous brusquer, avec toujours ce cassis, lui aussi d'un autre temps, et une nuée d'épices et de bois précieux. Et puis, ça se resserre, s'intensifie pour encore plus s'élargir – presque – violemment dans le palais. Avant de s'éteindre, paisiblement.

Il en reste juste une quinzaine de bouteilles. Il est probable que l'on passe ensuite à un autre millésime...   




mardi 28 juin 2016

CSbV : OVNI consensuel


Cette cuvée CSbV 2015 est un vin qu'il serait amusant de placer dans une dégustation à l'aveugle, car les participants risquent de patauger sévère, autant pour trouver l'assemblage – à peu près unique en son genre – que la région de production – va deviner qu'il est produit du côté de Cahors...

Après, si vous n'organisez pas de dégustation, vous pouvez aussi le servir à l'apéro : vos convives devraient apprécier sa rondeur et sa fraîcheur. Typiquement le vin "pas prise de tête", et de temps en temps, ça fait du bien ;-)

La robe est or clair.

Le nez est une tentation à lui tout seul : fruits blancs bien mûrs, ananas frais, bergamote, avec un p'tit quelque chose qui rappelle le bonbec de l'enfance.

La bouche est ronde, friande, bourrée de fraîcheur, avec un fruité expressif et un léger perlant qui apporte un peps supplémentaire.

La finale est savoureuse, avec une mâche gourmande, et toujours ce bon goût de fruit blanc bien mûr, du melon aussi , suivi par des notes plus épicées.

Bref, pour (un tout petit peu) moins de 9 €, vous avez un vin unique en son genre, mais qui réussira à plaire à tous. Un joli tour de force du Clos Troteligotte !


lundi 27 juin 2016

Rend son jus : l'irrésistible Jurançon noir


Avec le réchauffement climatique, peut-être verrons-nous resurgir certains cépages que l'on croyait quasiment disparu ? C'est le cas de la Counoise qui permet de produire dans le chaud Languedoc des vins mûrs et gourmands avec des taux d'alcool  de 11.5-12 % (cf Ponpon le cheval). Ça pourrait bien être aussi le cas du Jurançon noir, qui comme son nom ne l'indique pas, est originaire du Lot et Garonne. Pas vraiment surprenant lorsqu'on le sait aujourd'hui qu'il est le fruit du croisement entre le Côt (cépage de Cahors) et la Folle blanche (Charentaise, mais présente en Armagnac). Il donne des vins peu colorés et peu alcoolisés. Un peu à l'antithèse de ce qui était le must il y a 5-10 ans (d'où une surface de plantation qui s'est réduite de plus de 90 % depuis 1950). Mais nous assistons aujourd'hui à un classique retour du balancier : les consommateurs sont de plus en plus friands de vins légers et facile à boire. Ce cépage a donc toutes ses chances, d'autant que son nom est déjà connu ... alors même que les gens ne le connaissent pas ;-)

Louis et Marc Peynavaire (Château Plaisance à Fronton) ont eu la bonne idée de le remettre en valeur. Comme il n'était pas imaginable d'en faire un vin d'exception, ils ont produit ce qu'ils appellent eux-mêmes  un "vin de picole", avec tous les codes qui vont avec. Et en premier le nom décalé Rend son jus , une sorte d'hommage/clin d'oeil à tous ces vignerons qui ont dû contourner durant des années l'interdiction d'indiquer le(s) cépage(s) d'un vin "sans indication géographique". Quand je disais plus haut que le Jurançon noir donnait des vins peu alcoolisés, ce n'était pas une blague : ce vin ne fait que 10.6% d'alc.vol.  !

La robe est grenat très translucide, sans le moindre violacé.

Le nez est fin, aérien et néanmoins profond, sur des notes de fruits rouges (griotte avec son noyau, framboise) et de pivoine, avec de la rafle en arrière-plan et une pointe de fumée.

La bouche est fine et élancée, avec une matière souple, fraîche et fruitée et des tannins imperceptibles. L'ensemble réussit à être à la fois gourmand et élégant.

La finale dévoile une mâche canaille et salivante – entre cerise, épices et fumée – qui vous incite à en prendre direct une autre gorgée. C'est d'une terrible irrésistibilité.

PS : ça tombe bien que la bouteille descende vite, car 24 h plus tard, le vin a perdu de sa gourmandise. Bref, tu ouvres, tu bois. 


Irouléguy rouge Bordaxuria : rien à envier au blanc !


J'avoue que le titre "et si c'était vraiment le plus grand blanc du Sud-Ouest ?" avait tout pour attirer le chaland. Mais je ne m'attendais tout de même pas à ce que l'article sur l'Irouléguy blanc de Bordaxuria soit – et de très très loin – le plus du blog depuis sa création (2248 vues au 27/06). Malgré son prix relativement élevé (19.90 €), le stock est tombé à zéro en quelques jours. Nous en avons donc recommandé ... et pris de l'Irouléguy rouge par la même occasion. 

Peu de dire qu'il avait la pression, le bonhomme... Allait-il arriver ne serait-ce qu'à la cheville de son frère blanc ? Ce n'est pas que je déteste le suspense, mais il fallait rapidement que je sache ce que j'avais dans les mains, histoire d'en dire le plus grand bien ... ou d'être discret sur son cas – je ne suis tout de même pas payé pour écrire du mal des vins que nous vendons... 

À peine j'avais le nez posé au-dessus du verre, je commençais à être rassuré : fin, avec un fruité plutôt classe, sans ostentation. Et puis je commence à boire. Et bing, la baffe ! C'est juste superbe. Sont vraiment fous, ces basques !

La robe pourpre sombre et brillante évoque la peau d'une cerise noire.

Le nez fin et profond est plutôt marquée par la crème de myrtille, avec en arrière plan la mûre et la cerise noire, et quelques épices douces.

La bouche est de belle ampleur, emplissant le palais d'une matière mûre et dense, d'un velours profond, avec une sensation de fraîcheur, et plus encore de plénitude. J'avais évoqué "la force tranquille" pour le blanc. On la retrouve ici avec le rouge. L'ensemble est parfaitement équilibré, sans rien de trop, avec une juste et implacable tension qui ne faiblit jamais.

Ce n'est pas si courant que cela dans les vins du Sud-Ouest : la finale est ce qu'il y a de plus jubilatoire dans ce vin : une mâche d'une rare gourmandise couplée avec une grande sensation minérale. Le tout pulse, et re-pulse, avec une p... de rétro, puis une autre, et encore une autre... Avec toujours le couple myrtille/cerise, mais plus encore une sensation tellurique d'être en connexion avec terre d'Irouléguy...

Un vin de haut vol, vous faisant totalement oublier qu'il est essentiellement constitué de Tannat, cépage trop souvent rustique (complété par du Cabernet Franc). Par ailleurs, il est vraiment appréciable  que ce vin n'ait connu que la cuve : pas une once de bois pour parasiter sa saisissante beauté !





vendredi 24 juin 2016

Roussillon : un avant-goût d'été


Le "club Vins étonnants" de Limoges a fêté mercredi dernier l'arrivée de l'été en ouvrant des bouteilles qui ont un goût de vacances : les terrasses de Banyuls qui plongent dans la mer, la vallée de l'Agly si noire et si lumineuse, le Mont Canigou qui veille au loin. Même le soleil était de la partie pour nous y faire croire. Manquaient plus que les cigales, c... 


La mise en bouche arrivait aussi à nous y faire croire avec ces pains aux tomates (très goûteuses) ail et anchois. Pour l'accompagner, un vrai vin à tapas : TP3 blanc 2014 du domaine Arcadie : un nez finement oxydatif qui sent la Catalogne, une bouche fraîche, digeste, limpide. Le genre de vin dont tu boirais des seaux. Là, nous étions limités à un verre. So sad...


L'entrée est un risotto de légumes du Sud surmonté de jambon cru. Il est tendre, très parfumé et nous plonge là-aussi  en plein Roussillon. Pour lui tenir compagnie, un blanc plus ambitieux : Laïs 2014 d'Olivier Pithon. Le nez est plus puissant, sur des notes fumées/pierreuses/finement beurrées. Et la bouche longiligne, tendue, faussement légère, évoque avec élégance le terroir de schistes. La finale est dans la continuité, avec un retour des notes perçues au nez.  Ce vin est encore un (très joli) bébé. Dans 10 ans, je n'ai pas de doute que ce sera une petite merveille. 


Nous passons aux choses sérieuses avec une souris d'agneau au caramel de thym et un mille-feuille d'aubergines grillées. Les deux sont vraiment délicieux, avec une viande fondante et goûtue et des légumes fondants/croustillants. La Truffière 2013 de Danjou-Banessy, avec ses tanins soyeux, sa tension "schisteuse", ses arômes mûrs et épicés contrebalancés par des notes mentholées,  épousait la chair de l'agneau avec bonheur. P... c'est bon !


Avec le Roquefort, j'aurais pu servir un Banyuls ... mais j'en servais déjà un avec le dessert. Ceci dit, le Segna de Cor 2014 du Roc des Anges a fait parfaitement le job : plus pulpeux, velouté et fruité que le vin précédent, il faisait un joli contrepoint au fromage crémeux et puissant. D'autant qu'il était servi plutôt frais. Cela lui allait très bien. 


Pour finir, un fondant au chocolat avec une confiture de cerise noire. Pour mon goût, pas assez chocolaté et un peu trop sucré. Mais c'est pas bien grave : l'important, c'est que le Banyuls Rimage 2014 du domaine de Traginer soit au top, et il l'était. Rien que le nez était un régal : crème de fruits noirs, cacao, avec des notes de garrigue en arrière-plan. La bouche est faite d'un velours dense et très fruité, avec de la fraîcheur et de la gourmandise. La finale n'est pas trop sucrée, ce qui permet de ne pas trop en rajouter au dessert.


Nous avons fini le repas avec une bouteille d'Elixir du Soleil de P-U-R que m'avait offert Cyril Alonso lors d'un passage récent à Villefranche-sur-Saône. Du Maccabeu et du Grenache gris mutés et vieillis 5 ans au soleil de Tautavel. La robe est cuivrée, le nez est foisonnant – pralin, caramel, toffee, café, curry – et la bouche est toute en longueur avec une matière dense et expressive, sans la moindre sensation de sucre. Idem dans la puissante finale qui vous envahit longuement le palais : pas de sucre en vue. Et cela est très agréable après le dessert. On pourrait recommencer depuis le début ;-)

Merci à la sympathique équipe du Déjeuner sur l'herbe !

jeudi 23 juin 2016

Jurassic pack, épisode 2



Lorsque nous avions commandé chez Bérengère et Eric Thill en novembre dernier, toutes les cuvées n'étaient pas disponibles. Les manquantes ont été depuis mises en bouteilles, et nous pouvons aujourd'hui vous les présenter. Pour rappel, le domaine est en conversion BIO depuis 2012. Ce qui explique pourquoi seules les cuvées 2015 affichent le label. 

Comme le domaine travaille sur la réduction afin de limiter les doses de sulfites, nous conseillons d'ouvrir les bouteilles 24 h à l'avance ou de les carafer quelques heures (si vous ne le faites pas, les vins ne "pueront" pas, mais ils seront beaucoup moins expressifs). Par ailleurs, nous conseillons de ne pas les servir trop frais : 14 ° leur sied bien. 

Crémant du Jura (100 % Chardonnay, 20 mois sur lattes, dosage 4 g/l)

La robe est jaune pâle, avec un fin cordon de bulles.

Le nez est subtil, sur la noisette fraîche, la pomme chaude et le pain grillé.

La bouche est bien équilibrée, entre rondeur et fraîcheur, avec une tension assez marquée – sans qu'elle soit raide – et des fines bulles bien présentes mais pas envahissantes. Le tout sur une aromatique "fruits blancs frais" et une touche noisetée.

La finale paraît presque douce – alors que le dosage est faible – mais cette sensation est contrebalancée par une noble astringence (écorce de pomelo) et juste ce qu'il faut d'amertume (bigarade, quinquina).



Poulsard 2015 (vendange non égrappée à 90 %, fermentation à 18 °C, sulfitage très faible)

La robe translucide est entre le rouge cerise et le rose framboise.

Le nez pimpant évoque les bonbons acidulés aux fruits rouges, le poivre blanc et les épices douces.

La bouche est ronde, fraîche, friande, très jus de griotte, acidité tonique  de ce fruit incluse.

La finale  est finement crayeuse, avec toujours la griotte bien présente, avec l'impression de sucer son noyau.



La robe est jaune pâle.

Le nez est fin et aérien, sur des notes de fruit blanc mûr, de pâte d'amande, de fleurs de tilleul, rafraîchies par une pointe de citron.

La bouche est ronde, fraîche, pulpeuse, avec une fine acidité qui tend et tonifie le vin.

La finale crayeuse est goûtue à souhait, avec un retour marqué de la pâte d'amande et des notes de pomme tapée.




Savagnin cuvée Romane 2015 (malo non faite pour équilibrer le fruit bien mûr)


Le nez est encore plus léger que le vin précédent, sur des subtiles notes de miel, de zeste d'agrume et de fruit à coque.

La bouche est élancée, droite, énergique,  avec une matière dense et minérale, entre "eau de roche " et "jus de cailloux".

La finale  a une grosse mâche presque tannique – on croque dans la craie – marquée par l'écorce de citron dans son entier (zeste et ziste).


Cuvée S 2015  (Chardonnay ramassé à 15.5 ° de potentiel. 30 g de sucres résiduels)

La robe est proche des deux précédents.

Le nez est aérien, mais profond sur des notes florales (rose, acacia), fruitées (poire, pêche blanche) et une touche de nougat.

La bouche est d'une grande ampleur, très aérienne, avec une matière subtile, caressante, tendue par une acidité arachnéenne. L'ensemble dégage une douceur évanescente, rassurante.

La douceur se ressent aussi dans une finale tendre, finement astringente, sur des notes de poire au sirop et d'amande fraîche.




mercredi 22 juin 2016

Chimères 2008 : la beauté du temps qui passe


Lorsque le Mas des Chimères nous a proposé de nous vendre quelques caisses de Coteaux du Languedoc 2008, nous n'avons pas hésité longtemps. Il faut dire que j'avais eu la chance il y a quelques années de pouvoir acheter au domaine une caisse de vieilles bouteilles panachées, et j'avais pu constater que leurs rouges pouvaient tenir plus d'une décennie tout en se bonifiant. Et puis 2008, c'est un millésime dit "frais" : il y avait donc toutes les chances d'avoir de la belle quille. 

Aussi, le jour-même de leur arrivée, j'ai ouvert une bouteille, histoire de savoir ce que j'allais vendre à mes clients préférés (et même aux autres, j'suis sympa !). Bonne pioche, comme on dit.

La robe est grenat sombre translucide,  avec des reflets tuilés

Le nez est fin et intense, pénétrant, sur des notes de cassis, de truffe noire, de havane, de garrigue, tonifié par une touche mentholée/camphrée.

On retrouve cette dernière comme fil conducteur en bouche : elle apporte une droiture et une tension qui se prolonge longuement en finale. Elle est enrobée d'une matière ample et veloutée, assez dense, polie par le temps.

La finale est plus puissante, plus ferme, avec un retour sur le havane  et le cassis, se prolongeant sur des notes fumées et toujours ce mentholé/camphré.

À l'aveugle, pour être honnête, je crois que j'aurais hésité entre un Médoc évolué et un vin de Toscane "gran riserva". Mais jamais je ne serais parti en Languedoc, tant on a (trop) l'habitude de les boire dans leur jeunesse. Alors qu'en prenant de l'âge, ils acquièrent une sacrée complexité. À méditer...


mardi 21 juin 2016

Equinoxe : 2014, année de l'accomplissement ?


L'Equinoxe est déjà un vieux compagnon de route, que nous goûtons millésime après millésime. On a pu souvent lui reprocher un boisé un poil ostentatoire dans sa jeunesse (qui s'intègre totalement au bout de 2-3 ans). Mais sur ce nouvel opus (2014), il est d'une très grande discrétion, laissant place à la foisonnante aromatique très orientée "agrumes confits". 

Après avoir goûté ce vin sur trois jours à des températures assez différentes, j'en ai conclu que son optimal était à 15-16 °C, autant pour avoir une texture opulente qu'une aromatique expressive. Bu plus frais, le vin a tendance à "s'amaigrir" et à ne donner qu'une faible portion de ce qu'il a à offrir. Cela peut faire "peur" de servir un blanc aussi chaud, mais non, n'ayez crainte : il ne devient ni lourd, ni alcooleux.

La robe est d'un or intense.

Le nez est tout aussi intense, mais aussi bouleversifiant, sur la verveine citronnelle, les écorces confites de citron, de bergamote et de mandarine,  avec une touche terpénique qui nous enverrait presque sur un Riesling (vendange tardive) alsacien.

La bouche se déroule autant en longueur qu'en largeur tant elle envahit tout le palais d'une matière riche, presque moelleuse, tendue par une fraîcheur "citron confit".  L'acidité est totalement fondue dans l'ensemble au point d'être imperceptible - même si manifestement, ce vin n'en manque pas.  Vous avez un peu l'impression d'avoir du lemon curd dans votre verre, le sucre en moins.

La finale est encore un cran au-dessus en terme d'intensité, avec l'impression de mordre l'écorce de l'agrume confit, avec ce que ça suppose d'amertume et d'astringence. Sensation forte garantie, sans que ce soit agressif ou éprouvant. On est plus dans la sensualité poussée à l'extrême. On aime ça. Ou pas. Normalement, ce n'est pas trop mon truc, les vins qui en font  des tonnes. Je trouve ça fatiguant. Mais ça, j'adore. Probablement parce que je suis un fou d'agrume, et que cette cuvée est le plus bel hommage qui puisse leur être rendu.






lundi 20 juin 2016

La vigne d'Albert est de retour !


Voici le deuxième millésime de la Vigne d'Albert, cuvée parcellaire sans soufre signé Guillaume de Conti en hommage à son  grand-père qui a planté cette vigne il y a  50 ans. On y trouve pêle-mêle le Cabernet-Franc, le Cabernet-Sauvignon, le Merlot, le Malbec mais aussi le Fer-Servadou et le Périgord. L'absence de tout sulfitage, mais aussi de filtration ou collage donne à ce vin l'impression de tirer le vin directement de la cuve. Et sur un millésime comme 2015 où les raisins étaient bien mûrs, ce n'est que du bonheur !

La robe est pourpre très sombre aux reflets violacés.

Le nez est bien mûr, sur des notes de fruits noirs sauvages (myrtille, sureau, soupçon de prunelle), d'épices, et une pointe sanguine/ferreuse.

La bouche est élancée, tonique, avec une matière charnue, séveuse, au fruit charmeur et frais. Au-delà du plaisir immédiat, on sent qu'il y a de la profondeur en arrière-plan.

La finale a une mâche savoureuse, très marquée par les fruits noirs, et toujours ce côté sanguin qui persiste assez longuement. C'est encore un peu serré  – la mise est récente – mais cela va se détendre dans les prochains mois/ Le problème, c'est de ne pas tout boire avant...


jeudi 16 juin 2016

Cidres basques : la belle et la bête


Je vous avais parlé il y a un peu moins d'un mois de deux cidres basques. Les stocks sont assez vite descendus. Il a donc fallu faire une nouvelle commande. Eric R en a profité pour élargir un peu la gamme (à la prochaine, il pourra encore élargir, car elle est impressionnante). Bienvenue donc à Oreka et Txlalaparta ! 

Le premier est censé être un vin de pomme si j'en crois la contre-étiquette et le site du producteur. Il est vrai qu'il est bouché avec un bouchon "classique" ce qui laisse supposer qu'il n'y a pas de pression particulière. Mais surprise : lorsqu'on le débouche, on voit de suite des fines bulles se former et se diriger vers le col. Et lorsqu'on le verse dans le verre, c'est encore plus flagrant : un joli col blanc apparaît et la robe est parsemée de petites bulles.  Du coup, je me suis vraiment demandé ce que je devais écrire sur notre site commercial : cidre ou vin ? En bon Normand, j'ai fait un compromis : j'ai indiqué vin pétillant.

Après recherche, j'ai trouvé l'explication ICI : en langue basque, il n'existe qu'un terme (enfin deux...) pour appeler ces différentes boissons fermentées à base de pommes : sagarno ou sagardo (littéralement vin de pomme). Lorsque ce sagarno rentre dans les clous de la législation française en terme de cidre, il est baptisé cidre. Lorqu'il est en dehors des clous (acidité volatile, taux d'alcool...) il est appelé vin de pomme.  Cet Oreka est donc un vilain – mais délicieux – petit canard.

Le second est annoncé comme un cidre de garde. Il est bouché exactement comme le précédent. Je commence à me demander s'il va avoir des bulles. Je verse : c'est bon, il y a des bulles, plutôt moins nombreuses que dans le vin précédent. Mais c'est du cidre ;-)



Oreka 2014 : la robe est or pâle, avec une effervescence discrète mais constante.

Le nez est fin, mêlant les notes de pomme fraîche et caramélisée (tatin), de poire, avec une pointe exotique (ananas frais).

La bouche est ample, ronde, aérienne, avec des  bulles délicates qui vous caressent le palais. Beaucoup plus délicat qu'un cidre normal. Finalement, l'appellation vin de pomme lui va bien ;-)

On pourrait s'attendre à de la douceur en finale, mais non : le vin est bien sec, avec une âpreté savoureuse et fruitée qui donne envie de se resservir illico.



Txalaparta 2014 : la robe est d'un or nettement plus intense, avec une effervescence encore plus rare.

Le nez est puissant, limite violent, sur des notes de fumée (pierre à fusil), de grillé (entre sésame et pétard) et de pomme séchée. Le domaine Bordatto nous indique qu'il peut se garder 8 à 10 ans. Quelques années de cave lui permettront justement de gagner en élégance et en finesse.

La bouche est droite, tendue, avec une matière riche, concentrée mais fraîche, s'écoulant dans le palais comme un torrent en fin d'hiver. L'effervescence est d'une grande discrétion, mais elle apporte une touche élégante à un ensemble plus brut.

La finale dévoile une mâche puissante, explosive, avec une astringence marquée qui vous escagasse agréablement les papilles. Pour les amateurs de Brut Nature.
Quelques bouteilles sont mises de côté jusqu'en 2020, quelque chose nous dit que le résultat devrait être plus qu'intéressant !



Bordaxuria : et si c'était vraiment le plus grand blanc du Sud-Ouest ?


Tout a commencé par une boutade. Je vous raconte. Eric R, enthousiasmé par la réussite de l'Irouléguy rouge du domaine Bordatto (épuisé en deux jours !) s'est amouraché de cette belle appellation pyrénéenne. Du coup, il a acheté sur la même plate-forme de producteurs un autre Irouléguy : le blanc 2015 du domaine Bordaxuria. On le reçoit mardi dernier. Je crée de suite la fiche pour le site. Au moment où je vois le prix – vraiment calculé au minimum que l'on puisse faire – je ressens comme un oups : 19,90 € pour un vin blanc sec d'un domaine totalement inconnu, cela ne va pas être facile à vendre... 

Reste une étape que je ne déteste pas, j'avoue : le déguster. Au moment d'ouvrir la bouteille, je lâche à mon chef : "j'ai vraiment intérêt à trouver que c'est le plus grand blanc du Sud-Ouest, car sinon, on risque de le garder longtemps..."

J'en verse dans le verre. La robe est d'un bel or brillant.

De suite, je suis séduit par son nez  fin, intense et profond, sur des notes de mangue, d'ananas, de poire au sirop, avec un  fond minéral (pierre humide). Ça commence plutôt bien, cette affaire.

La bouche est élancée, tendue – sans la moindre raideur ou acidité saillante – enrobée par une matière qui réussit à être en même temps dense et aérienne, et j'oserais dire centrifuge et centripète – rarement ressenti ça sur un vin. L'ensemble trace sévère, mais sans que ce soit d'agressif. Au contraire, le temps semble suspendu, irréel. Rien ne pourrait mieux résumer ce vin que le slogan inventé par Séguéla pour Mitterrand en 1981 : la force tranquille.

La finale est intense, avec une mâche finement crayeuse très savoureuse, avec un retour sur les fruits exotiques et plus encore sur des notes salines qui prolongent longuement le vin.

Franchement, bluffé je suis ! Ce vin est véritablement une petite merveille d'équilibre qui a TOUT : la puissance, la finesse, la profondeur et la légèreté, le charme sans être ostentatoire. Le plus incroyable dans cette histoire est qu'il n'est pas produit par des vieux briscards de l'œnologie sur un terroir prestigieux, mais par des p'tits jeunes qui ont fait leur première vinification... en 2014 ! Le talent, ça ne se fabrique pas : on l'a ou on l'a pas.

Brice Robelet et Ellori Reca - Photo Sud-Ouest
Je serais curieux de comparer ce vin à l'Hegoxuri d'Arretxea, histoire de le comparer à un mythe de la région (dommage, je n'en ai plus en cave). Je n'ai aucune certitude que le Bordaxuria sortirait vainqueur de la confrontation. Mais si c'était le cas, je n'en serais pas surpris. 

Quoiqu'il en soit, je pense que ce vin mérite d'être dégusté par tout amateur de vins blancs qui se respecte. Cela devrait le sortir de la torpeur dans lequel il a parfois l'impression de plonger...

PS : nous l'avons regoûté 24 h plus tard, avec de l'aération ... et du recul. Toujours autant séduit, voire même encore plus. J'adore ce vin !...



mercredi 15 juin 2016

Genestas : la classe !


Je vous ai déjà parlé d'un certain nombre de cuvées produites par les Vignerons d'Estezargues, mais pas encore du Domaine les Genestas. Ce très beau 2015 qui vient d'arriver m'en donne l'occasion. Comme la plupart des propriétés du secteur, on y retrouve argile et galets, mais aussi des genêts (d'où Genestas). Son propriétaire Michel Trébillon est un perfectionniste, ce qui l'a poussé à passer en BIO, ce qui n'est pas pour nous déplaire. Ce qui me plaît encore plus, c'est qu'il y a 20 % de Mourvèdre dans l'assemblage. Cela apporte une fraîcheur et une classe que ce vin n'aurait probablement pas s'il n'était composé que de Grenache et Syrah.

J'ai dégusté la semaine dernière les différentes cuvées d'Estezargues pour voir lesquelles étaient les plus recommandables actuellement. Oubliez pour l'instant les Bacchantes ou Grès Saint-Vincent (elles devraient être parfaites d'ici la fin de l'année) et faites-vous plaisir avec Genestas : ce n'est que du bonheur !
La robe est pourpre violacée translucide.

Le nez est fin sur les fruits noirs bien mûrs, avec une pointe fraîche mentholée/poivre de cubèbe.

La bouche est élancée, avec une belle tension – ni raide, ni acide –   une matière ronde et souple, très digeste, et puis surtout un fruit frais et gourmand.

La finale est plus terrienne, avec une mâche épicée et une texture crayeuse. Un vin idéal pour des côtelettes d'agneau cuites au BBQ. Vu le prix (7,95 €) ce serait dommage de s'en priver.

La bouteille a été finie 5 jours après l'ouverture : il était encore meilleur qu'au premier ! N'hésitez donc pas à bien l'aérer, voire à la carafer quelques heures.



mardi 14 juin 2016

Jeff Carrel : pas à une contradiction près...


Si cette cuvée s'appelle La  Contradiction, c'est parce que Jeff Carrel a osé assembler plusieurs climats bourguignons qui n'ont pas l'habitude de se retrouver dans la même bouteille. Mais quand bien même cette cuvée eût été mono-climat, elle aurait pu malgré tout s'appeler ainsi. Car oser sortir une cuvée à 24.90 € alors qu'on est champion du monde poids-lourd du bon génial p'tit vin pas cher, cela peut paraître contradictoire. Et puis, produire du Chardonnay en Bourgogne, c'est très loin des sentiers que l'eclectic winemaker se plaît à fréquenter depuis 15 ans. 

Nous avions reçu cette cuvée il y a plusieurs mois, mais je ne l'avais pas estimée prête à être ouverte. Le vin était vraiment mutique. Difficile de mettre en avant un vin qui n'a rien à dire. Je l'ai regoûté il y a une dizaine de jours, et là, c'est une toute autre affaire. Cette Contradiction a déjà plein de belles choses à raconter, même si elle sera certainement meilleure d'ici 3-5 ans. 

Certes ce vin n'est sur l'étiquette qu'un simple Bourgogne, mais dans le verre, on sent qu'il provient de terroirs plus nobles. Comme Jeff a travaillé de concert avec François de Nicolay, on peut imaginer des choses. A vous de goûter et de deviner (je vous le dis tout de suite, je n'ai pas la réponse...)

La robe est jaune d'or, brillante.

Le nez est fin et intense sur des notes de beurre au citron, de pain grillé et de brioche. Avec l'aération arrive le zeste de mandarine.

La bouche est de belle ampleur, avec une matière mûre et dense au toucher sensuel, rafraîchie par une acidité très discrète mais super efficace.

La finale est énergique et structurée, avec une fine mâche crayeuse et un retour du beurre citronné et des notes finement grillées/épicées.


lundi 13 juin 2016

Syrah de l'Arjolle : la simplicité a du bon !


Après quelques séries de vins un peu hors-norme, il faut le dire : ça fait un p... de bien de boire des vins plus classiques, pensés par le producteur pour apporter juste du plaisir, sans aller chercher midi à quatorze heures. Pas d'assemblage bizarre, de vinification hors-norme, d'élevage en amphore ou je ne sais quoi d'autres. Juste un cépage classique, une cuve inox, et hop'là ! 

Ça peut paraître couillon, mais ça fonctionne plutôt bien : je ne sais si c'est un coup de mon cerveau reptilien, mais je prends vraiment du plaisir à boire cette Syrah sans prétention du domaine de l'Arjolle. Et comme je le disais à Eric R, je ne vois pas comment on pourrait ne pas aimer ça (à moins de ne prendre son pied qu'avec des vins déviants – il paraît que ça existe). 

La robe est grenat translucide, légèrement violacée.

Le nez pète de fruit, sur des notes de cerise bigarreau et de mûre, avec une pincée d'épices.

La bouche est ronde, juteuse, gourmande, avec une matière souple, fruitée, friande. 

Le tout se conclut sur une fine mâche savoureuse, avec toujours cette cerise fraîche et épicée.

Un vin gourmand, sans prise de tête, qui ira tout aussi bien avec des côtelettes d'agneau qu'une pizza, ou un simple steack-frites (bon, j'en mange une fois tous les trois ans, mais je suis sûr que ça marche !)


vendredi 10 juin 2016

Soirée Sud-Ouest


Lors de la dernière soirée à Saint-Yrieix, certains participants m'avaient demandé si je pouvais programmer un thème Sud-Ouest : comme je ne suis pas un garçon contrariant, j'ai accepté volontiers. Tout comme j'ai demandé à Gilles, le chef du restaurant, de nous préparer un repas comme on en mangerait à Sarlat ou Cahors. Rien ne vaut les accords régionaux.


Avec du jambon cru et du melon, nous avons démarré au Champagne. C'est pas très Sud-Ouest, vous allez me dire. Oui, j'en conviens, mais :

1) j'ai déjà fait déguster le pétillant naturel de Causse Marines. Dans la mesure du possible, j'évite de resservir les mêmes vins.

2) j'ai une somme à dépenser facturer par soirée. Comme les autres cuvées étaient plutôt bon marché, je pouvais me permettre cette folie

3) ce Champagne vient de Buxeuil qui est l'extrême-sud de la Champagne et au Sud-Ouest ... de Bar le Duc !

Oui, donc c'était un Millésime 1999 de Moutard, un 100 % Chardonnay élevé 14 ans sur lattes (dégorgement en 2014). Cela se ressent sur l'aromatique évoluée – mousseron, fruits secs, miel – et sur la grande finesse des bulles. Par contre, il est toujours d'une grande fraîcheur avec une acidité incisive. Une belle expérience (n'essayez pas d'en acheter une caisse : il ne nous en reste plus qu'une seule en vente).

L'entrée est une incarnation du Sud-Ouest à elle toute seule : c'est une salade périgourdine. Pour résister à ce genre de plat, il faut un vin plutôt riche, mais frais. On a ça en boutique : le Bergecrac blanc 2015 de Barouillet (lire ICI pour en savoir plus). Non seulement il a tenu le choc, mais apportait de la rondeur et de la fraîcheur à la salade. Du pur bonheur. Non seulement les deux bouteilles ont été vidées rapidement, mais le Berlingo a été dévalisé : plus une quille en fin de soirée !
(mais on en a encore à l'entrepôt).


Nous avons poursuivi avec THE plat du Sud-Ouest : le confit de canard. J'avais demandé des pommes sarladaises, mais le chef avait déjà préparé des pommes de terre la fois précédente. Il ne voulait pas se répéter. Ce fut donc macaroni. Cela n'a pas nui au Cahors K-Pot 2015 (le vin non protégé au SO2). Il est était très gourmand, au fruité assez démonstratif, avec une finale épicée. Et puis rafraîchissant, ce qui était appréciable avec ce plat plutôt gras (mais du bon gras, hein). Lui aussi a été très apprécié (résultat : plus que 6 bouteilles disponibles sur notre site).



Pour le fromage – Saint-Nectaire, of course –  j'avais choisi un Cahors plus "ambitieux", histoire de montrer la différence de style (c'est mon côté pédagogue...). Ce Cèdre 2011 est encore bien jeune, mais trois heures de carafage l'ont civilisé. On sent encore un peu l'élevage (touche de vanille en finale) qui est toutefois bien intégré. La majorité des convives a préféré celui-ci, mais d'autres avait la nostalgie du vin précédent. Par contre, pas de doute que dans une dizaine d'années, il fera l'unanimité (plus de 2011 en stock ... mais du 2012 est arrivé hier.


Histoire de conclure en beauté, j'ai ouvert le Monbazillac 1990 du Château Cadière. Il est rare de pouvoir proposer à un prix décent (12.60 €) un vin de 26 ans d'âge. Et qui est très bon, en plus, du moment que l'on apprécie les vins évolués : écorce d'agrume confite, truffe, safran, abricot sec... Il allait plutôt bien avec le dessert crousti-moelleux à base de pêches, même s'il dominait peut-être un peu trop. 

La prochaine fois, soirée Jazz. Je m'en réjouis déjà :-)


jeudi 9 juin 2016

Clos de T : sauT dans l'inconnu



Le domaine s'appelait Clos de Trias, mais il a eu des soucis avec une cave coop locale qui commercialisait une cuvée Terre de Trias (et avait protégé cette marque sur le territoire français). Du coup, il a fallu renommer le domaine pour les ventes hexagonales – mais pas pour l'export. 

Photo : le Rouge et le Blanc
Il a été créé en 2006 par un Norvégien né aux États-Unis, Even Bakke. Etant tombé amoureux d'une Française – la fille du champenois Bruno Paillard –  il s'est installé dans notre beau pays après une carrière de winemaker en Californie. Il a pressenti le grand potentiel de ces coteaux abrités du Ventoux. Afin d'en tirer la quintessence, il s'est de suite orienté vers une agriculture ultra-douce, à mi--chemin entre Fukuoka et Steiner. Les sols n'ont jamais été travaillés – juste une tonte par an – et les traitements sont rarissimes. Il faut dire que le micro-climat est très favorable (300 jours de soleil par an). Afin d'éviter des degrés alcooliques trop élevés, il retarde au maximum la taille (en avril !). Apparemment, ça marche...



Au chai, Even Bakke fait au cas par cas. Il peut érafler, ou non. Faire des macérations très longues. Ou très courtes. Les décisions se prennent à la dégustation, ce qu'il fait 5 fois par jour (ce qu'aucun vigneron ne prend le temps de faire). Pour les élevages, c'est aussi très variable, mais ça ne lui pose pas de problème de laisser une cuvée plus de 5 ans en fût ou en cuve. De toute façon, il a pris la décision de ne vendre les vins que lorsqu'il les juge prêt. Ce qui explique qu'il commence à vendre tout juste son 2011(embouteillé il y a moins d'un mois !). Et qu'il a encore du 2007 à vendre.

Quelle que soit la cuvée, préparez-vous à un saut dans l'inconnu. Ses vins ont quelque chose d'anachronique dans la production actuelle, bien policée. On pourrait dire qu'ils ont goût d'hier revisité avec un savoir-faire d'aujourd'hui (inspiré de méthodes ancestrales).



(82 % Grenache blanc, 18 % Clairette, 20 heures de macération, 30 mois d'élevage)

La robe est d'un or intense, brillant.

Le nez est entre le "vin nature" et le "vin orange", sur des notes de pêche et de banane séchées, d'abricot sec, d'épices et de croûte de pain de campagne.

La bouche est ample, aérienne, avec une matière dense et douce, et une acidité (volatile?) qui tend et étire le vin. On retrouve bien les arômes de pêche séchée.

La finale est puissante, intense, sur les notes perçues au nez, avec une dominante d'épices, puis le froment.

Au bout d'une quinzaine d'heures d'ouverture, le vin a gagné en harmonie, en densité, avec une acidité mieux intégrée (moins volatile). La finale a une mâche plus prononcée. 



(80% Grenache, 10% Syrah, 4 % Carignan et 6 % Cinsault, 55 mois d'élevage)

La robe est grenat légèrement translucide avec des reflets d'évolution.

Le nez est aérien mais intense sur la cerise confite, le pain d'épices, l'écorce d'orange séchée.

La bouche commence très ample, presque évanescente, avec un toucher de bouche délicat, puis finit par gagner en chair et en puissance sans néanmoins se durcir.

La finale est finement mâchue, très épicée, avec un retour sur la cerise et des notes cacaotées.



(96 % Grenache de 70 ans, 4 % Syrah, 32 mois d'élevage)

La robe est plus sombre, montrant aussi des signes d'évolution.

Le nez est plus concentré, plus profond, sur des notes de kirsch, de vieille prune, d'amande amère (colle Cléopatre), d'épices douces, mais avec une touche mentholée/résineuse très "italienne" qui apporte de la fraîcheur.

La bouche commence aussi sur un côté ample/aérien, mais avec une tension et une fraîcheur plus importantes. Ça trace sévère, avec là aussi un côté très Sangiovese toscan. Votre âme est plus impactée que votre palais.

La finale envoie du lourd : explosive, intense et fraîche, là aussi très italianisante, C'est très long, intense, envoûtant.