vendredi 25 mars 2016

La Savoie de long en large


Certains membres du "club Vins étonnants" m'avaient suggéré de faire une soirée autour des vins de Savoie. J'ai dit oui tout de suite, car j'ai de la sympathie autant pour les vins que pour leurs producteurs, tous très attachants (et ça ne gâte rien, doués pour ce qu'ils font). 

Restait le choix, à peu près aussi difficile que pour l'Alsace. Entre les différents cépages, les producteurs, les millésimes, on dépasse largement les 50 références. N'en sélectionner que huit fut douloureux, mais bon, faut ce qu'il faut... 


En général, nous démarrons par une bulle, mais comme il y avait trois cépages blancs au programme, il fallait que je réussisse à tous les accorder avec le repas. Le premier était la Jacquère, cépage qui donne souvent des vins terriblement vifs (euphémisme pour ne pas dire : "juste bons à récurer les sanitaires") justifiant la mauvaise réputation des vins savoyards, presque aussi terrible que celle  du Muscadet.

En fait, lorsque les raisins sont cueillis à maturité et vinifiés par de bons vignerons, la Jacquère donne des vins frais et harmonieux, pas du tout agressifs. C'était le cas des deux vins servis mercredi soir : la Pépie 2013 d'Adrien Berlioz avait une fraîcheur cristalline, désaltérante (hélas gâchée par une légère note liégeuse non perçue à l'ouverture de la bouteille) tandis que l'Autrement 2014 de Jacques Maillet avait plus de rondeur et d'ampleur - tout en ayant une juste tension - transcendant totalement l'image de ce cépage, et justifiant donc parfaitement son nom.


En guise de mise en bouche, les rillettes de maquereaux et les tranches de pain toastées allaient parfaitement avec les deux vins. On est (juste) bien....


Venait ensuite une paire de vins issus du cépage Altesse (ou Roussette). Celui de Giachino est rond, fruité, bien équilibré, mais manque peut-être de personnalité et de profondeur. Il ne peut pas déplaire ... mais ne vous fera pas non plus monter au ciel. Dans l'Altesse de Montagnieu de Peillot, on sent un travail beaucoup plus ambitieux. Le vigneron vendange le cépage à plusieurs degrés de maturité, du bien vif" jusqu'au surmûr, fait faire la malo à certains lots, et pas à d'autres... et assemble ensuite le tout. Résultat : un vin complet à la matière généreuse tendue par une très fine acidité. Déjà extra maintenant, et sans doute grand dans une dizaine d'années (encore faut-il  ne pas tout boire son stock  avant...) 

Pour accompagner ces deux vins, j'avais demandé un chef de nous préparer un pâté de poisson à l'ancienne avec une sauce crémée, et lui avait envoyé une photo en disant "il faut que ça ressemble un peu à ça" :


Il nous fait ceci :


Eh bien, c'était très proche de ce que j'avais mangé au Lion d'or à Arcins, avec ce bon goût de cuisine à l'ancienne que l'on croit parfois à jamais disparu. L'accord avec l'Altesse de Montagnieu étai superbe !

En cadeau bonus, j'avais pris dans ma cave une bouteille qui y repose depuis pas loin de dix ans : une Marestel 2004 de Dupasquier, histoire de montrer à quoi pouvait ressembler une Altesse au bout d'une douzaine d'années de vieillissement.

La robe est d'un or intense, le nez est très expressif, complexe, sur des notes terpéniques (évoquant un Riesling) mais aussi de fruits  confits et secs. La bouche a encore de la tonicité tout en étant riche, à la limite du moelleux sans tomber complètement dedans. C'est séveux, intense, un peu réglissé. Et la finale épicée est de grande persistance. Un coup de coeur pour toute l'assemblée. Et moi, je suis heureux qu'elle ait ainsi achevé sa vie ;-)


Nous avons poursuivi avec le cépage Bergeron, appelé Roussanne dans le reste de la France. Je n'en ai pris ici qu'une seule version : la Binette 2014 d'Adrien Berlioz. Bonne pioche : ce vin présente une fraîcheur et une tonicité rarissime pour ce cépage souvent pataud. Tout en ayant les notes abricotées habituelles de la Roussanne. N'avoir qu'un verre de pris a permis aux convives de pouvoir boire aussi la Marestel 2004 avec le plat suivant :


C'était un tajine de volaille, épicé sans être corsé, avec quelques fruits secs. Il a bien mis en valeur les deux vins tout en n'étant pas écrasé. 


Il y avait des rouges, tout de même. La Mondeuse, souvent, n'a pas tellement meilleure réputation que la Jacquère, car elle aussi cueillie un peu trop tôt. Elle est alors poivrée et variétale, et c'est vraiment pas terrible. J'ai choisi ici deux vins que tout oppose : la Mondeuse du Bugey 2014 de Peillot qui est une bombe de fruit, pulpeuse,  intense, aux tannins (mûrs) bien présents en fin de bouche.

Et puis, il y avait une Mondeuse tradition 2005 de Michel Grisard, ouverte depuis le matin pour qu'elle s'oxygène en douceur : la robe est rubis translucide, plus bourguignonne que savoyarde. Le nez est fin, subtil, sur des notes de fruits rouges, de violette et d'épices. La bouche est fine, élégante, soyeuse, avec une fraîcheur impressionnante, et encore beaucoup de fruité pour son âge, même si des arômes tertiaires commencent à poindre. Un vin superbe, en début de maturité, mais qui a encore du temps devant lui. 


Evidemment... de la tomme de Savoie.
Un fromage qui ne nuit pas du tout aux vins rouges.


Une dégustation "Vins étonnants" sans bulle, c'est juste pas possible. Eh bien la voilà en dessert : un Montagnieu Brut de Peillot. Un assemblage étonnant de Chardonnay, Altesse ... et Mondeuse (en pressée directe). Son dosage permet de la boire sans problème en dessert, d'autant que l'acidité n'est pas trop marquée.


Son goût fruité allait très bien avec la tarte aux pommes. On pourrait croire que ce Montagnieu a été conçu juste pour celle-ci !

Eh bien, encore une belle soirée qui a montrée qu'il y avait des vins de haut niveau dans cette région souvent méprisée.














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